La présence de végétation sur une digue est-elle problématique ?
Tout dépend de quelle végétation on parle. Aujourd’hui, pour des raisons environnementales, paysagères ou technico-économiques, tout le monde s’accorde sur le fait que, pour des aménagements neufs, mieux vaut édifier les digues avec des remblais de terre compactés plutôt qu’avec du béton. L’avantage est qu’on peut y rapporter de la terre végétale en surface et installer une couverture herbacée. Ce qui pose problème, ce sont les ouvrages anciens où un boisement important s’est installé. On estime que les volumes des systèmes racinaires des arbres sont équivalents à leurs systèmes aériens. Du fait que les racines sont un matériau vivant et périssable et qu’elles pénètrent dans le remblai, la présence d’arbres a forcément des incidences sur les propriétés de l’ouvrage.
Quelles sont ces incidences ?
Les racines vivantes tracent leur chemin dans le corps de la digue et leur développement se fait au détriment des matériaux constitutifs de l’ouvrage. Sur un plan mécanique, le sol étant repoussé, remanié, la croissance racinaire contribue à déstructurer le remblai, ce qui peut générer à terme un décompactage sournois et insidieux des matériaux. Dans le cas d’ouvrages maçonnés protégeant certains talus - c’est le cas pour les digues de l’Isère - les racines viennent se loger dans les fissures ou les joints et provoquent rapidement des désordres irrémédiables.
Qu’en est-il des racines qui se décomposent ?
Quand un arbre meurt, tout ce qui est bois dans le sol finit par devenir du vide. A la place des racines peuvent alors apparaitre des canaux. Plus les systèmes racinaires en décomposition sont importants, plus la perméabilité du remblai augmente et plus on prend le risque de voir surgir des écoulements d’eau transverses lorsque la digue est en charge. Un autre danger guette alors l’ouvrage : les matériaux du remblai en place peuvent progressivement être arrachés et entrainés par les circulations d’eau [1]. A ce titre, la surveillance de l’apparition de fontis est essentielle car ils sont souvent la manifestation de désordres apparus en profondeur. Quelle qu’en soit la cause, un fontis est toujours le signe que la digue est fragilisée et que ses facultés sont amoindries plus ou moins localement.
Irstea (ex Cemagref) : Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture.
Au Cheylas, une intervention était programmée sur le fontis repéré au printemps 2013, en aval de la confluence du ruisseau du Nay et de l’Isère. En août, en présence d’ingénieurs-chercheurs de l’Irstea, une pelleteuse a creusé sur place jusqu’à 3 m de profondeur pour vérifier la cause originelle du fontis. Aucune lacune manifeste n’est apparue, seules des traces de matériel végétal dégradé ont pu être décelées, sans doute les vestiges d’une grosse racine disparue. Le trou a ensuite été remblayé avec du matériau soigneusement compacté.
[1] Ce phénomène est appelé l’érosion interne.